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Déconstruction


En ce temps là, je brûlais la vie par les deux bouts. Je flânais en ville comme un sac plastique oublié sur le parking d’un supermarché, je vaquais à des obligations plus ou moins indispensables dans les rues vides de la presqu’île.

J’étais célibataire et oisif. Je m’intéressais à tout, lisais beaucoup, écoutais des conférences sur à peu près tout. Ma passion pour la musique me poussait à écouter l’intégrale des Beatles puis de miles Davis sans avoir la moindre envie de sociabilisé. J’aimais le beau et la tranquillité !

Je décorais soigneusement ma bibliothèque de vieux souvenirs ou d’objets de collection. J’avais même entrepris dans un moment de folie une collection de timbre du monde ! Mélomane, philatéliste, gourmet et philanthrope, je filais un mauvais coton.




Quand on a besoin pimenter sa vie, il y a plusieurs méthodes ! J’ai opté pour l’achat d’un chien dynamique, capable de me mettre au sport, réclamant sans cesse des grands espaces et c’est tout naturellement que j’ai été adopté par un labrador pantouflard. Ce chien dont le regard disait : « reste assis, je vais pisser sur le parquet ça nous évitera de sortir » avait bien compris à qui il avait à faire.



Il a parfois essayé de me mettre au sport par soucis de mon bienêtre mais hélas rien de bien concluant. Il y a bien eu cette fois à 23h30 où il a délicatement essayé de m’initier au saut de haie sur la grande artère qui bordait notre domicile.


C’était un soir à passer le restant de ses jours en fauteuil électrique ! Une laisse enroulée autour du poignet, des travaux en bout de trottoir, une portière de taxi qui claque, un chien qui s’emballe et voilà comment à grandes foulée on passe par dessus une barrière de chantier. Un salto avant parfaitement exécuté sans la moindre préparation. Bref, je sombrais dans la routine !


Aux grands maux les grands remèdes, nous sommes sortis de notre collocation masculine pour vivre la grande aventure de la vie de famille.

Une enfant aux grands yeux claires est venue déconstruire l’homme que j’étais.

Envolé mes certitudes, mes petites habitudes, mes décorations d’artistes maniaques.

Évanouie mes heures d’écoutes musicales dans le grand salon accompagné de mes bougies parfumées. Il ne restait rien de mes exigences, je basculais soudainement dans l’enfer d’un accro du flipper à qui vient d’annoncer que le mode était passée.

Désormais, plus de flipper, les cigarettes sont interdites et il est recommandé de boire modérément dans son canapé ! Le monde s’écroulait et moi avec.




De son côté le chien fut accaparé par la question du genre. Une crise identitaire qui a fait date au sein du foyer. Un labrador de concours, non castré et assez enclin au progrés s’est vu grimer sans vergogne un matin d’automne.

Je vous laisse imaginer ce qu’une enfant de 7 ans et capable de faire avec un déguisement papillon ! Nous avons vu ce que peu de gens voit sans avoir pris de drogue. Le labrador assis, le regard défait, avec des ailes de papillons roses à bretelles sur le dos. Le chien était déconstruit !

Pour ma part je vis mon espace vitale se transformer peu à peu, mes biblos se sont transformés en sculpture enfantine. Mes bronzes sont devenus argiles, mes tableaux sont devenus gribouillages. Ma pléiade a été remplacé par Mortel Adel, ma collection de vinyle a été démantelé pour laisser place à Aldebert. Pour certains il s’agit d’une tempête dans un verre d’eau mais pour moi c’est une tornade tropicale qui a tout balayé sur son passage.

Les parties de Risk et de Monopoly ont été remplacé par Croc Carotte, les dimanches après-midi ont été quelque peu régressif. Je ne marchais plus, je titubais. Loin de ma vie d’artistes-intello je retombais dans l’enfance.

Le chien ne résistait plus, il se travestissait chaque jour que dieu faisait. Nous avons déjoué une tentative de maquillage sur cette pauvre bête qui a manqué de se retrouvé avec du verni rouge sur ses pattes.



Réduit à la vie de cabaret, je n’étais pas au bout de mes surprises le jour où l’envie me prit d’aller aux toilettes. Une odeur de parfum embaumait le cabinet d’aisance une ambiance de Veil de Noel chez Sephora régnait en ce lieu normalement calme. je reconnus immédiatement mon parfum habituel, seul vestige préservé de ma vie d’antan. A la férocité de l’odeur je compris rapidement que mon flacon de Do Son à 90 balles la bouteilles avait été vidé par la petiote afin de masquer son inconfort.

Dans un premier temps blessé par la confusion anormale entre un flacon de flagrance haut de gamme et un vulgaire désodorisant pour wc, je tentais de me rassurait en soulignant le goût esthète de cette enfant qui se refusait à la bassesse d’un airwick.

J’assiste depuis à un démantèlement volontaire de ma vie, sans lecture, musique ni parfums.

Je suis déconstruit et heureux pour la première fois de ma vie.


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